L’ÉDITO

Soyons en sûr, le développement de la psychanalyse est l’un des événements les plus notables du XXe siècle que nulle crise politique, sanitaire, économique ou civilisationnelle n’a enrayé, y compris dans les sociétés lointaines de la vieille Europe, comme si ce qui était venu au jour dans le cabinet viennois de Freud touchait le réel de notre réalité psychique et à ce titre avait une portée universelle malgré les discours ayant l’ambition d’altérer sa légitimité.

Pourtant, la psychanalyse est toujours à reprendre puisque le refoulement est au cœur de notre expérience : je sais bien mais quand même. Freud lui-même y est pris, il le rapporte à Romain Rolland en lui évoquant son voyage à Athènes de 1904 ; d’où l’aspect work in progress de son œuvre. C’est le réel de notre réalité psychique qui nous oblige.

Mais soyons en sûr aussi, on n’a pas attendu Freud pour savoir que nous étions clivés entre ce que nous souhaitons faire et ce que nous faisons, dilemme dit de Médée que Montaigne souligne en rappelant ces actions qui se « refusent à notre volonté » (E., I, 21, 102) comme cette « épineuse entreprise de suivre et pénétrer les profondeurs opaques et les replis internes de notre esprit » (E., II, 6, 378). 

C’est le tragique de notre condition : nous sommes agis par notre entourage d’enfant puis par les usages sociétaux, impact remanié à chaque étape de notre existence, de sorte qu’il n’y a pas de causalité mécanique à nos symptômes : ils sont surdéterminés, ils relèvent de mille comment et d’aucun pourquoi unique ; et la psychanalyse est la seule pratique à même de relever le défi de nous affranchir du pouvoir performatif de notre entourage d’enfant et des usages sociétaux dans un contexte de réductionnisme biologique et cognitif évacuant la subjectivité, car elle est la seule pratique à être un accueil de la parole.

Sauf que ce rapport singulier de chacun à son entourage d’enfant comme aux usages sociétaux oblige la pratique ; d’où l’attention du psychanalyste au réel de l’expérience, puisque « il n’est aucune qualité si universelle en cette image des choses, écrit Montaigne, que la diversité et variété » (E, III, 13, 1065), diversité qu’il importe d’accueillir comme elle est et nullement de soumettre à quelque catégorisation a priori.

On mesure combien il y va pour chaque psychanalyste de suspendre sans cesse cette « passion de la généralité » qui empêche d’entendre la singularité de celui qui parle.

D’où le souci du dialogue de psychanalyse en extension avec tous les champs culturels, artistiques et scientifiques pour en montrer les articulations avec la découverte freudienne et déjà avec la philosophie qui commence à s’affranchir de l’idéalisme forcené qui fut le sien pendant des siècles à l’exemple du second Wittgenstein, de John Austin, de Stanley Cavell, pour lesquels le réel de la réalité psychique est un sol raboteux dont on ne peut faire fi comme l’exprime si bien le grand logicien Donald Davidson, pourtant au départ très circonspect sur la découverte freudienne : « Après avoir analysé le problème sous-jacent à toute explication de l’irrationalité, écrit-il, je conclus que toute conception satisfaisante de ce phénomène doit admettre certaines des thèses les plus importantes de Freud et que lorsqu’on énonce ces thèses de manière suffisamment générale, elles ne recèlent aucune confusion conceptuelle » (Paradoxes de l’irrationalité, L’Éclat, Nîmes, 1991, p. 22).  

Freud, toujours à reprendre.

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