Comment aujourd’hui appréhender l’intersubjectivité, ce qui fait que sans cesse il semble que nous sommes en rapport avec un autre ? Qu’est la co-pensée, ce concept que Daniel Widlöcher a mis au cœur de sa réflexion pour spécifier cette construction qui s’opère tant dans la cure analytique que dans la vie ordinaire où il nous semble que non seulement nous sommes en rapport avec un autre, mais que nous partageons un « objet », une même manière d’appréhender un réel ?
Car, ne nous y trompons pas, ce qui se passe dans la cure analytique se passe aussi dans toute relation thérapeutique comme dans toute relation affective. Si la relation de l’analysant et de l’analyste se noue autour de cette co-pensée, il en est de même pour la relation entre les parents et les enfants ou pour celle entre les amants : l’espace d’un instant, il y a une rencontre, l’espace d’un instant, la fiction de la rencontre s’installe, coïncidence qui, comme l’exprime Montaigne, fait que cet ensemble «d’accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou quelque commodité » rend possible ce qui est le plus souvent impossible.
Car dès la naissance, le petit d’homme s’inscrit dans une interaction intense, mimétique et empathique, partagée avec un autre : quelle trace laisse cette expérience ? Surtout que certaines pathologies du développement – autisme, schizophrénie – passent pour des troubles de l’intersubjectivité. Quant à l’inverse, le « flash télépathique » en constituerait l’excès : « Es gibt Gedankenübertragung » avertissait Freud : il y a transfert de pensée.
D’où l’urgence de reprendre ces questions mises en avant par Widlöcher qui constituent le fil de notre pratique soignante - mais aussi de notre vie.
Ces journées ne sont pas seulement une invitation renouvelée à réfléchir sur l’acte thérapeutique mais aussi sur notre existence.